JEAN-MARC BRONDOLO – ‘‘Je ne me pose pas la question de savoir si je tourne pour France 3 ou pour Canal’’
Le réalisateur de la seconde partie de la saison 3 nous raconte comment il a vécu son débarquement au Village Français.
Par Sullivan Le Postec • 16 décembre 2010
Rencontre avec Jean-Marc Brondolo, qui intègre l’équipe du « Village Français » pour en réaliser les épisodes 19 à 24.

Jean-Marc Brondolo s’est d’abord fait connaître en mettant deux unitaires produits pour Arte par 7e Apache Film, « Capone » et « Aller Simple pour la Mort », qu’il a aussi écrits ou co-écrits et qui furent diffusés en 2004 et 2006. Ensuite, il met en scène coup sur coup pour Canal+ les secondes moitiés de l’unique saison de « Scalp », de la saison 2 de « Reporters » et de la 3e saison d’« Engrenages ».

Le Village : Vous avez cette année rejoint l’équipe de la série. Comment cela s’est passé ?

Jean-Marc Brondolo : Très bien, puisque j’ai terminé le mixage d’une série le vendredi [la saison 3 d’« Engrenages », dont Jean-Marc Brondolo a réalisé les épisodes 7 à 12, NDLR] et j’ai attaqué le lundi la préparation du « Village Français » !
C’est très différent de ce que j’avais fait avant, puisque c’est une série d’époque. Mais c’est une production vraiment super, et des acteurs qui ont vraiment envie de raconter cette histoire.
Ce qui m’intéressait dans cette série, c’est la phrase tout simple : ‘‘qu’est-ce qu’on aurait fait à leur place ?’’. C’est une série qui permet de poser cette question-là. Il n’y a pas vraiment de héros dans cette série. Tous les personnages sont des amateurs, en quelque sorte. Ils ne savent pas ce qui va se passer, tout le monde subit les événements, y compris chez les Communistes qui vont vouloir résister et qui vont vouloir commettre des attentats. Ce ne sont pas des professionnels, on sent bien que ce ne sont pas des gens qui sont habitués à tuer. Donc filmer ces gens-là, dans leur maladresse et dans leur peur, mais aussi avec un certain coté héroïque, sans être encore des héros, ça, cela m’intéressait. C’est pareil chez les collabos, qui ne sont pas des collaborateurs actifs. C’est plutôt une collaboration passive, de la part de gens qui pensent que c’est bien de faire comme ça et qui avaient leurs raisons, bonnes ou mauvaises. Que rien ne soit ou tout blanc, ou tout noir, ça m’attirait beaucoup.

Cette année, il y avait un certain challenge, en terme de réalisation : trouver l’équilibre entre les deux propositions des deux premières séries d’épisodes.

C’est toujours l’envie et la difficulté pour une production, de garder une certaine continuité quand il y a deux réalisateurs qui se partagent le travail. Là, pour la première fois, il y a un seul chef opérateur. J’ai l’impression, d’ailleurs, que les productions vont toutes en venir à cette solution. Il y aura donc clairement une continuité dans la lumière au fil de ces douze épisodes, ce qui n’était pas forcément le cas dans entre les six premiers et les six suivants.
Dans la manière de réaliser on essaie de garder une certaine homogénéité, une grammaire, que le public va percevoir ou non. En même temps, j’ai fait des choses très différentes de Philippe [Triboit], et Philippe des choses très différentes de moi. Par exemple, il y a certaines séquences que j’ai faites à l’épaule, alors que lui n’a pas du tout tourné à l’épaule. Mais c’est aussi parce que, scénaristiquement, j’avais des séquences qui le permettaient. Mais on s’efforce de faire fonctionner le puzzle commun.
En tout cas, je me suis bien amuser à faire cela. Ce que j’avais tourné auparavant, c’était énormément à l’épaule, mis à part sur « Scalp » où il y avait un petit peu de steadycam. Là, j’ai pu revenir à des choses plus calmes, plus fluides, à des plans sur rails. J’avais envie de ça aussi.

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Vous avez beaucoup travaillé pour Canal+ ces dernières années. Est-ce que cela compte pour vous, dans votre travail de réalisation, que la série soit cette fois destinée à France 3 ?

Sincèrement non, je n’y pense pas. Mais même auparavant, je ne me posais pas la question de savoir si je faisais une série pour Canal ou un unitaire pour Arte. Je dis ça sans prétention, mais j’ai l’impression de faire un film, voilà. Pas de cinéma, mais de faire un film, de raconter une histoire. Après, je sais que s’il y a des séquences de violence, on peut aller plus loin sur Canal. Et en même temps, là, on n’a pas de censure. Sur mes épisodes, j’ai eu à filmer des séquences de torture, et on sait qu’on ne peut pas forcément la montrer. Cela incite aussi à essayer d’être plus fort en ne la montrant pas. Ce n’est pas évident, d’être crédible en racontant quelque chose qui est off — et cela peut se faire au cinéma, ce n’est pas lié qu’à France 3. Donc moi, je ne me pose pas la question de savoir si je tourne pour France 3 ou pour Canal.

C’est dans votre partie de saison que se fait le retour du personnage de Nicolas Gob, Jean Marchetti...

Jean revient et va reprendre une place importante dans Villeneuve. Evidemment, quand il va revenir, il va recroiser Hortense. Que va-t-il se passer entre eux ? Et quel rôle va-t-il avoir dans l’histoire entre Hortense et Daniel ? Mais même s’il est de retour, cela ne devient pas un personnage principal de la seconde partie de la saison, sans doute pour mieux le faire rebondir par la suite. Mais il prend de l’importance à Villeneuve, en tout cas...

C’est compliqué de trouver des décors pour la série ?

Relativement, il faut aller loin. Autour de Paris, il faut être entre 40 et 50 km. En revanche, quand vous allez autour de Limoge, il y a des villages ou les boutiques et les rues sont restées comme ils étaient à l’époque. Il n’y a plus qu’à mettre les acteurs en costume, et cela ne sent pas trop le décor. C’est ce que je peux reprocher, parfois, à certaines séries ou certains films, quand on sent trop qu’on est dans un décor, quand la lumière le montre trop, quand la crasse a l’air propre et que cela sent la déco. Là, on est arrivé dans des endroits où les lieux racontaient quelque chose.

D’où l’intérêt du partenariat avec la Région Limousin...

En effet, même s’il y a surement d’autres villages préservés ailleurs. Mais là, avec Oradour sur Glanes à proximité, nous sommes clairement dans des lieux qui ont une histoire.

Savez-vous si vous serez de retour à la réalisation sur la suite de la série ?

Pour l’instant, je ne sais pas.

Envie de le faire ?

Oui, parce que ce sont vraiment des gens formidables à Tetra Media, et du coté des acteurs, et parce qu’on tourne en Province et j’aime bien ça. Donc pourquoi pas, mais après est-ce que ce sera l’année prochaine ou l’année d’après, je n’en sais rien. En tout cas, je ressors très heureux de cette aventure.

Propos recueillis le 28 octobre.

Post Scriptum

Remerciements à Blue Helium, France 3 et Tetra Media.

Dernière mise à jour
le 16 décembre 2010 à 09h16